Je remets en tête de gondole ce texte, que j’avais publié en juin lors de la censure exercée par le CC sur la loi HADOPI I, parce que je persiste à dire qu’il n’y a aucun sens à accoucher au forceps d’une loi qui sera inapplicable, ou totalement inefficace, eu égard au motif invoqué par les autorités pour la justifier.
Il y a donc une raison cachée, derrière la raison affichée.
Wana – 23 octobre 2009
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La loi HADOPI et les libertés individuelles
La censure exercée par le Conseil Constitutionnel sur le texte de la loi « HADOPI » redonne un brin de sérénité à ceux qui sont soucieux de “libertés”, d’autant que le CC a invoqué la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, inscrite dans la Constitution, pour protéger les droits fondamentaux du citoyen.
La question des droits d’auteurs
Le gouvernement a choisi, avec la rédaction de cette loi, la solution facile de la répression, ne prenant en compte qu’un aspect des choses : la protection des droits d’auteur. Incomplète, peut-être inapplicable et désormais inconstitutionnelle, la méthode s’avère contre-productive : on peut parier que cette loi ne sera jamais mise en œuvre. C’est un échec.
La bonne solution serait de travailler sérieusement, très en amont, à la question de la perception des droits d’auteur et droits voisins et de leur répartition, à l’adaptation des lois et règlements à un nouveau “paradigme socio-économique” (si je puis dire) résultant de la généralisation d’Internet et de traiter tant d’autres questions un peu complexes… Le courage intellectuel manque-t-il aux hommes/femmes politiques, pour admettre que leur tâche est compliquée et pour s’entourer d’experts, préalablement à toute décision, afin de tenir compte de toutes les parties prenantes ?
Après tout, l’une des vertus de la démocratie, c’est de confier à des élus soigneusement choisis, la tâche de traiter ce genre de problèmes de façon intelligente et délicate, et non pas à l’emporte-pièce.
Aurions-nous mal choisi nos élus ?
La vraie question que pose la loi HADOPI
Le Conseil Constitutionnel n’a pas censuré le texte, sur l’aspect “intrusif” dans la vie privée. La traque des téléchargements illégaux, par perquisition sur les disques durs est maintenue.
Pour la première fois, une loi instaure un droit à et des outils pour s’immiscer dans la correspondance privée des internautes.
Jusqu’à présent, seuls des agents assermentés pouvaient le faire, sur réquisition, s’agissant de correspondance écrite ou de conversation téléphonique / visiophonique privée.
La HADOPI va recruter des officines privées pour réaliser ce travail d’intrusion.
Rien n’empêchera ces officines de prélever d’autres informations que celles liées au piratage et de les vendre pour de l’espionnage marketing : c’est gênant mais plutôt indolore ; pour de l’espionnage de droit commun : il faudra bien, faute de juge d’instruction neutre, autorisé à décider des perquisitions, que les parties trouvent des éléments à charge ou à décharge, de commission de délit ou de crime…, c’est plus embêtant ! Ou même pour de l’espionnage politique : là, c’est totalement contraire à la Constitution et au respect des droits fondamentaux …
En conséquence, ou bien les employés de ces agences sont contraints au devoir de réserve et prêtent serment, et c’est la confirmation qu’un droit d’intrusion, aux seules mains de l’exécutif et non contrôlé par le juge, vient d’être créé … avec le risque d’extension dans le futur ; ou bien ils ne le sont pas et n’importe qui pourra faire n’importe quoi grâce aux outils d’intrusion mis au point.
La République ne protège plus le citoyen.
Autre aspect des choses
On peut penser que le risque pour la vie privée créé par cette loi est faible, étant donné que, déjà, l’intrusion dans les ordinateurs individuels est pratiquée assez facilement. Et l’on pourra ajouter que ces méthodes sont bien utiles pour traquer la pédophilie ou les activités criminelles en général.
Non seulement les « gros contrevenants » sauront se protéger de cette traque, mais tout internaute pourra se voir espionné, sans qu’il y ait de soupçon préalable à son sujet, cela en toute légalité. La règle du “présumé coupable” est instaurée : pour quelque domaine d’activité que ce soit, une perquisition sera possible sans réquisition d’un juge.
Le principe de base qu’il faut combattre, dans la loi HADOPI, c’est l’espionnage autorisé des individus.
Ce principe d’intrusion est une bombe à retardement : un jour ou l’autre, quelqu’un s’en servira de façon malveillante. Certes, rien ne dit que cela se passera ainsi… Mais cette loi a mis en place les éléments pour que cela puisse se passer ainsi.
C’est la porte ouverte à tous les abus. Et au pire… c’est Rangoon sur Seine !
Avec la HADOPI, le droit à la vie privée vient de disparaître dans notre démocratie.
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Wana – 13 juin 2009

(le 25/09)
