Ève, l’origine de l’humanité
Ève, sur les images pieuses, dans les représentations que lui ont dédiées la peinture et la sculpture de la Renaissance, dans l’iconographie médiévale et même sur certaines mosaïques enluminées des époques lointaines de la grande Byzance orthodoxe, porte toujours cette longue chevelure qui ruisselle sur son épaule et descend, en vagues d’une blondeur éclatante, devant sa poitrine, pour venir masquer la rondeur délicate de ses entrailles, déjà porteuses d’une future progéniture, qui s’étale pour couvrir avec pudeur sa pilosité pubienne et, s’enfouissant dans l’aine, dissimule la scissure intime de sa gorge de fécondité. Autrement, par l’utilisation de la lumière, et des ombres qu’elle ménage dans les anfractuosités de la plastique corporelle, une technique éprouvée parvient à préserver d’une exposition trop explicite, certaines régions de la peau, non indispensables à la fonction allégorique de l’œuvre.
Dans la tradition romaine ou celle de l’antique Olympie, peuplée d’une cohorte de divinités qui par sa profusion inspirait quantités de vocations artistiques, dont les traces nous sont parvenues sous la forme de peintures murales trop souvent décaties ou de statues marmoréennes conservées en partie seulement, les représentations féminines obéissent à la même exigence de pruderie : souvent une étoffe vaporeuse, tout en laissant poindre les tétines à peine voilées d’une poitrine quelquefois opulente, s’enroule avec légèreté autour des hanches pour draper la morphologie vénusiaque, ou bien quelque branche s’abaissant des frondaisons environnantes, dissimule à la fois la croupe callipyge et l’aphrodisiaque anatomie. En revanche, une telle observance de la pudeur n’est pas aussi fréquente dans l’expression symbolique ou explicite de la masculinité.
Dans les représentation d’Ève, la première femme — autrement désignée « hommesse » (car elle fut façonnée à partir d’une côte masculine) dans telle exégèse juive de la Bible —, si la main gauche s’interpose souvent comme une barrière supplémentaire, pour occulter certaines particularités de l’académie exposée dans une nudité intégrale, dans la main droite, ouverte en position de supination, se trouve cette pomme, cueillie aux branches de la tentation, dont on sait qu’elle finira par provoquer la colère divine et qu’elle entraînera la famille originelle, loin des délices édéniques, vers sa condition humaine, faite de souffrances et de sueurs. L’affaire était consommée : une faute irréparable avait souillé, d’une tache indélébile, la merveilleuse succession des six journées de la Création et donnait une orientation nouvelle à la volonté divine, accomplie pendant la Genèse.
L’histoire a établi sans équivoque que, selon les plus impénétrables relations que la Bible fait de la geste patriarcale, la transgression ainsi commise, qui eût passé pour peccadille —quelle âme, même bien née, n’eût pas cédé à l’envie, assez naturelle, de procéder à la consommation d’une pomme d’apparence si ordinaire ?— si elle n’avait été la conséquence des manigances infernales, se révéla être la source primordiale de la désunion, de la cupidité, de la peur et de la haine, pour toute l’humanité.
S’ensuivirent, à toutes les époques, les luttes sanguinaires entre fratries, les guerres entre les nations, la barbarie, les exterminations, les épurations ethniques, même. Des peuplades entières, de grandes civilisations ont été décimées, lors d’innombrables conquêtes, depuis les invasions et les retraites multiples qui se sont produites en Perse et en Mésopotamie, les campagnes militaires lancées depuis Égypte pharaonique vers les régions de la Méditerranée orientale, la domination grecque qui, après Babylone et Persépolis, s’étendit jusqu’aux limites de l’Inde actuelle, les annexions en Europe et en Afrique qui ont conduit à l’hégémonie romaine, jusqu’à sa chute en pleine déliquescence, la progression des dynasties arabes avec, par la suite, l’implantation des diverses obédiences islamiques, et dans une époque plus récente, enfin, la traversée des étendues océaniques vers la vaste « Terra incognita » qui deviendra l’Amérique, avec la terrible et impitoyable conquête de la Nouvelle Espagne, qui conduisit à la presque totale disparition des cultures aztèque et incasique, et des populations autochtones.
Cette énumération serait complète si elle comportait aussi la mention de toutes les exactions commises contre la fraternité humaine, en défense de la patrie, en défense de la Liberté, en défense de la race, par les vingt ou trente générations qui se sont succédé avant la nôtre, pendant les périodes troublées qui ont agité l’Europe des nations.
Alors, pourquoi cette évocation d’Ève, de sa féminité, de sa toute symbolique figure à l’origine de l’humanité ?
En voici la raison.
La féminité, quoiqu’elle ait souffert de la supposée faiblesse, de l’inique infériorité que les civilisations de toutes époques lui ont attribuée, a constitué la fondation primordiale de l’espèce humaine. Elle a été, d’une certaine manière, la quantité minimale de matière, la masse critique indispensable à l’éclosion et à l’explosion de la société humaine.
La société moderne devrait, dans l’irrécusable exigence de conservation d’une irréfragable mémoire, faire toute la place qu’elle mérite à cette vérité : par la folle inconséquence d’une seule femme, par la seule et unique impulsion d’une incoercible envie de pomme, une avalanche de catastrophes s‘est abattue sur …
…l’Homme !
—— Wana — 10 mars 2010 ——
NB: Le texte (en vert) ne comporte que des mots féminins


cannes anglaises pour sa fille, victime d’un accident de ski : elle venait de sortir de l’hôsto.