Il y a quelques temps, paraissait dans Le Monde un article relatant de récents résultats obtenus par la science, quant à expliquer la “soupe primordiale” qui a donné naissance à notre Univers.
Cela m’a donné une idée, dont la réalisation figure ci-dessous.
Evidemment, je me suis bien gardé de demander à mon ami Gef, astrophysicien au génie méconnu, l’autorisation d’écrire ces inepties…
Ça m’aurait gâché le plaisir !
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Autoportrait d‘un modèle en plein doute : le Big bang
Ma fonction consiste à avoir été et continuer à être valide jusqu’à la fin. A être valide dans le domaine le plus vaste possible. C’est une fonction de paradigme. D’abord parce que lorsqu’il est établi pour une discipline précise, le paradigme aspire à s’élargir au domaine le plus vaste possible, ensuite parce que lorsqu’il y a plusieurs paradigmes établis, ils veulent tous s’élargir davantage les uns que les autres.
Une fonction spéculative.
Je suis le Big-bang.
Il y a eu Akhenaton, il y a eu Aristote, il y a eu Kepler, il y a eu Maxwell, il y a eu Bohr et les statisticiens quantiques et, depuis Penzias et Wilson, il y a moi. Je suis le fossile le plus vivant de l’Univers et d’ici peu, le LHC me fera renaître.
Je suis le paradigme le plus universel de la science, le plus abscons, le plus inexplicable et ma fonction consiste à fabriquer de l’avenir.
Tous les grands paradigmes fabriquent de l’avenir.
S’étendre au plus vaste domaine c’est d’abord se généraliser autrement ; de façon à multiplier les découvertes et les théories.
Faire comprendre. Se généraliser de telle manière que d’autres modèles restent courts dans leurs ambitions et qu’on s’évertue à vous démolir, jusqu’à ce que la communauté scientifique entière passe son temps à vous confirmer.
Dans le développement d’un modèle on ne peut envisager qu’un avenir génial et un seul.
Les physiciens quantiques sont arrivés dans la communauté avec la réputation de « fous destructeurs » de l’électromagnétisme ; vingt ans plus tard les vingt-cinq prix Nobel de physique adoptaient leur modèle.
Et en conséquence, il y a moi.
Être le Big-bang primordial est un rôle qui exige l’universalité absolue et une cohérence théorique totale. Je modélise à temps plein. Je modélise sur les cordes qui sous-tendent l’espace à l’infini. Je regroupe cinquante domaines de la physique pour mieux modéliser. Je souris à l’astrophysicien et au radio astronome, parce que je sais qu’ils m’aident à modéliser. Je casse la tête du mamouth géophysicien climato-sceptique qui est nul, parce que je sais que ça m’aidera à modéliser.
Prenez deux paradigmes à égalité de structure et de vulgarisation, sur la même théorie, mettez-les face à face et c’est toujours moi qui modélise le mieux.
Le rayonnement du corps noir, chauffé à Planck, je l’explique 6,626 10-34 fois par seconde. Les courbures de la lumière autour des amas galactiques, qui vous font prendre une vessie pour deux lanternes, je les réalise toutes les nuits. Je mesure l’éloignement de toutes les galaxies au parsec près et à 0,99 c, je les vois passer au ralenti.
J’ai aussi des théories prévues pour ces observations imprécises et troublantes que le hasard des collisions de hadrons nous réserve. Les faisceaux torsadés de particules élémentaires qui permettent à un William Henry Bragg, le sosie de Fournel, de devenir un champion de la boule de cristal.
Tout compte dans votre universalité.
Un jour, l’essentiel devient la longueur d’onde dans le vide d’une radiation orangée émise par l’isotope 86 du krypton. C’est le krypton qui fait l’étalon. Vous avez mesuré quatorze fois la dix-millionième partie du quart du méridien, vous avez raboté aux deux bouts le prototype en platine iridié, vous êtes mis en colère et vous avez perdu vos références, parce que quelqu’un est venu vous demander à quoi correspondaient 1 650 763,73 longueurs d’onde dans le vide d’une radiation orangée émise par l’isotope 86 du krypton.
Quand il fait nuit, je modélise, quand un trou noir passe à table, je relativise. Je prévois le temps qui s’écoulait hier, j’anticipe le rayonnement qui subsistera dans 13,7 milliard d’années. Mes fermions et mes bosons sont intraitables, j’interdis aux muons de perturber les autres leptons.
Lorsque le LHC libère le faisceau, il injecte des milliers de milliards d’électronxvolts. Après, il reste une soupe originelle, opaque, qui refroidit le plus vite possible pour émettre d’hypothétiques bosons de Higgs dans toutes les directions.
C’est la loi.
Et puis, il y a le moment qui arrive forcément dans le développement d’un modèle, le seul moment de vrai doute, de doute absolu. Le doute sur le Big bang.
Vous avez conceptualisé la gravitation et l’espace courbe, vous attaquez l’expansion de l’Univers et vous introduisez cette minuscule erreur de constante, cette dissymétrie de rayonnement stupide (qui n’est pas un effet relativiste, puisque, à la vitesse de la lumière, on se moque bien de la relativité !) qui projette dans l’espace cette matière noire dont on ignore tout. Et là, c’est le vrai doute, le doute immense. Vous avez surévalué la constante de Hubble, le décalage vers le rouge diminue, l’Univers ralentit. Plus rien n’a d’importance, vous n’êtes plus un paradigme valable, vos trois premières secondes, on s’en fout désormais, vous savez que vous vous dirigez inexorablement vers le Big Crunch.
Wana – le 2 juin 2010
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selon de modèle de Paul Fournel “Le descendeur “.