Emaux et gemmes des mots que j’aime

« Wanagramme » accueille aujourd’hui ce texte de Christine Zottele Meilleurs vœux pour 2013 et, en échange, Christine publie sur son blog “est-ce-en-ciel”, un poème de Wana puisque :
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge pour chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement…
“Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.”
La liste des participants se trouve sur un blog dédié à ce seul usage, tenu à jour, mois après mois, par Brigetoun.

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Meilleurs vœux pour 2013

Il ajouta Toutefois avant de se relire. L’étrange tour du message ne fut pas pour lui déplaire : Meilleurs vœux pour 2013, toutefois…
Il passait pour un homme énigmatique au clavier peu tempéré. Mais aussi un grand malade incurable. Aussi était-ce un grand réconfort pour lui de franchir le seuil de l’année nouvelle. Vivant en Angleterre, il envoyait des cartes aux vieilles connaissances d’outre-Manche. Soudain il repensa à celle qui recevrait ce toutefois.
Il l’avait tellement fait briller, son étoile, non seulement au firmament de sa gloire mais longtemps aussi après sa déchéance. Il lui avait écrit 2012 lettres sans jamais recevoir en retour une once de sympathie postale. Dans l’intimité, le ver de terre poursuivait son œuvre à elle toute dédiée. Du premier jet pur jus –mauvais jus. Il prenait l’indifférence de son clavier d’ordinateur pour de la neutralité bienveillante sinon un acquiescement. Le clavier peu ou prou tempéré n’était qu’une synecdoque docile à ses doigts.
À la lecture de la carte de vœux, signée Victor Hugo, la gardienne du phare haussa les épaules. Elle gravit les mille marches qui la séparait des rayons de sa bibliothèque saisit un tome des Œuvres romanesques de Virginia Woolf. Cependant, et contre toute attente, elle prit une plume (de fou de Bassan) et la plongea dans l’encrier.
Toutefois, ne vous déplaise, je vous remercie. L’un de mes vœux les plus chers serait que vous cessiez de poser les doigts sur votre clavier pour m’écrire ces lettres signées Victor Hugo. En outre, ce serait pour moi un grand réconfort de vous voir franchir le seuil de l’hôpital pour vous faire soigner. La psychiatrie a beaucoup progressé, surtout en Angleterre. Songez à cette renaissance soudaine : en perdant vos illusions vous gagneriez tellement de rêves. Vous prendriez place à mes côtés, les étoiles nous regarderaient briller. À la sympathie de nos encres, répondrait alors un sentiment encore invisible. L’intimité en révèlerait la forme, la texture et le goût et vous pourriez vous attendre à tout sauf à l’indifférence. Peut-être alors me regarderiez-vous comme je me regarde parfois, comme la libellule qui monte toujours plus haut pour se brûler les ailes et, parvenue au sommet du phare s’avère lectrice de Virginia Woolf. Souhaitant lire tranquille, j’aimerais dorénavant ne plus descendre à l’arrivée du facteur pour saisir une de vos lettres.
Bonne et heureuse année !

Christine Zottele, 03/01/2013

Ce texte a été écrit avec la contrainte que m’a proposée Wana : prendre dans un livre les dix premiers mots signifiants des pages 11, 21, 31, 41, etc. Comme il s’agit du premier vase communicant de l’année 2013, j’ai choisi 13 mots : Toutefois – déplaire – clavier – réconfort – seuil – Angleterre – soudain – tellement – étoile – sympathie – intimité – indifférence – phare  (Virginia WOOLF, Œuvres romanesques, II, Bibliothèque de la Pléiade à La Pléïade) pages 11, 21, 31, 41, 51, 61, 71, 81, 91, 101, 111, 121, 131.